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Culture

Entre esthétiques et problématiques, la danse balance

Des trois jours passés à flairer l’air du temps au festival « Montpellier Danse », on aura vu beaucoup de corps musclés, souples, se décarcassant au son de musiques hachurées (ou pas). Mais on aura vu aussi des strip-teases, des slips, des fesses et des cuisses poilues, des chairs répandues, vibrionnant joyeusement et généreusement, sans aucune pudeur (mal placée, d’ailleurs). Preuve, s’il en faut, que la danse n’est pas uniquement réservée aux corps d’athlètes, ni nécessairement effectuée sur des musiques faites pour.

« Now the field is open » de Hooman sharifi, ou le clash des cultures et des sexes. ©Arash A.Nejad

Montpellier, de Maya GHANDOUR HERT

Première image, premier choc visuel, attrapé au beau milieu de cette 32e édition (du 22 au 7 juillet). Dans la grande cour de l’Agora, « cité internationale de la danse » (vieux couvent des Ursulines rénové et devenu QG du festival), par un beau jour de brume, un jeune artiste iranien au corps parcimonieusement recouvert de lanières et d’un cache-sexe volatiles se tient debout au milieu d’un cercle formé par l’assistance. Avec « Paradoxial Knives », Ali Moini semble être à couteaux tirés avec l’univers. Il a d’ailleurs posé par terre toute une panoplie de coutellerie tranchante qu’il accrochera, couteau après l’autre, sur ses bandelettes à même le corps. Lentement, d’abord, puis en allant de plus en vite, il entame une danse giratoire faisant tournoyer les armes blanches autour de lui dans un bruit de cliquetis très harmonieux et dissonant à la fois. Des mots, inscrits à la craie à même le sol, s’effacent sous ses pas. Ce sont des paroles du poète Rumi suppliant le ciel de ne pas tourner sans lui...
Une performance tranchante devant un public enchanté et repoussé à la fois. Mais attention d’y voir une critique quelconque envers l’establishment en République islamique d’Iran. L’artiste se défend en effet de toute connotation politique et affirme haut et fort l’identité « personnelle » de son œuvre.
Aux antipodes de cet artiste imbu de questionnements mais préférant, au fond, laisser l’éloquence à son œuvre, un Hooman Sharifi, compatriote et néanmoins « politisé » et heureux de l’être. Ayant choisi pour terre d’exil la Norvège, où il a débarqué tout seul à 14 ans après une escale beyrouthine non dénuée de tribulations tragicocasses, notamment lors d’arrêts sur check-points prosyriens cléments envers le détenteur d’une carte d’identité iranienne. Tellement politisé Sharifi, qu’il a rédigé un manifeste en bonne et due forme, présentant courageusement ses convictions. La pièce qu’il a présentée à l’Opéra comédie, avec neuf danseurs de sa compagnie, l’Impure (c’est tout dire...), est intitulée Now the field is open. Sur scène, danseurs hip-hop, contemporains et musiciens persans traditionnels se partagent l’espace. Now the field is open est la rencontre de ces expressions qui ont chacune leur propre histoire, leur propre identité et leur propre culture. Dialogue salvateur ou clash inévitable ?

Sous leurs pieds, le paradis
Parmi les spectacles à souligner, celui de Radhouane el-Meddeb et Thomas Lebrun intitulé Sous leurs pieds, le paradis. Le solo dansé par l’artiste tunisien sur la chanson d’Oum Kalsoum al-Atlal. Le titre, inspiré d’une citation du Prophète disant que « le paradis est sous les pieds des mères ».
« C’est à partir de cette figure maternelle que je veux explorer un nouveau solo, sonder mon bouleversant désir d’être sur scène... pour un hommage aux mères... aux femmes... à la féminité », indique el-Meddeb. « Car mon envie de danser est une envie de démesure et de ravissement... La danse est pour moi une traversée féminine, dans la légèreté et la grâce. »
Un hommage aux héroïnes, aux mères, aux sœurs... Mais aussi « vers la femme qui est en moi, vers ma propre féminité. En la dévoilant, je dévoile ma fragilité, ma perception de la sensualité et du courage dans le même temps », affirme le danseur en ajoutant que ce dévoilement de sa personnalité se déroule sans travestissement.
Touchant à ce même sujet sensible de genre et d’identité sexuelle, un duo concocté par Thomas Hauert et Scott Heron a choisi, de son côté, le travestissement, la robe longue décolletée, la perruque et les talons aiguilles rouges...
Parmi les grosses pointures du festival, le Japonais Saburo Teshigawara avec un spectacle intitulé Skinners. Ce chorégraphe formé au mime a présenté sur la scène du Corum une danse très ciselée, hachurée et aussi très intellectuelle. Six danseurs. Ce n’est pas pour rien que Teshigawara est aussi nommé « le maître orfèvre du mouvement ».
Consacrée essentiellement aux créateurs de la Méditerranée, la 32e édition de Montpellier Danse a porté son regard sur des artistes issus de l’immigration, exilés ou encore dans leur pays d’origine. Son directeur, Jean-Paul Montanari, souhaite y mettre en avant des esthétiques et des problématiques souvent sous-représentées sur les scènes contemporaines. Chose promise, chose due.
Montpellier, de Maya GHANDOUR HERT Première image, premier choc visuel, attrapé au beau milieu de cette 32e édition (du 22 au 7 juillet). Dans la grande cour de l’Agora, « cité internationale de la danse » (vieux couvent des Ursulines rénové et devenu QG du festival), par un beau jour de brume, un jeune artiste iranien au corps parcimonieusement recouvert de lanières et d’un...

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