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Culture - Danse

« Kiss & Cry » dans le travelling de la mémoire

Une magnifique performance a ouvert ce week-end le Festival Bipod au Madina. Un spectacle inédit signé Michèle-Anne de May et Jaco Van Dormael, où danse et cinéma se confondent dans un voyage sensuel et onirique. Sur la pointe... des doigts.

Les doigts, tels des corps, évoluent sur le train de la mémoire.

Un majeur et un index. Cherchant un autre majeur et un autre index. Qui marchent, trébuchent, glissent et tournoient. Pour s’unir puis croiser d’autres doigts. Deux mains qui évoluent sur scène. Deux mains qui prennent soudain forme pour devenir corps. Toute la sensualité, les amours, la passion du monde contenues dans ce microcosme. Un monde de lilliputiens où les mains humaines deviennent des Gulliver arpentant le monde. Un monde reproduit sur grand écran par le couple Michèle Anne de Mey (directrice de Charleroi/Danses) et le cinéaste Jaco Van Dormael (remplacé pour ce spectacle par son assistant réalisateur Renaud Alcade) ainsi que leur petite équipe. Spectacle éblouissant où le public assiste, ébahi, à l’envers du décor, au « making off » en direct d’un film teinté de poésie.

Au commencement était le doigt
Kiss and Cry est le nom attribué au banc où sont assis les patineurs dans un tournoi de patinage artistique en attente des résultats. Mais c’est aussi l’histoire d’une femme assise devant le quai de gare et qui voit serpenter le train de sa mémoire. Une voix off raconte alors les cinq histoires d’amour de Gisèle. Cinq, tout comme les doigts de la main. « Où vont les gens quand ils disparaissent de notre vie, de notre mémoire ? » La performance, tantôt sous une musique de Haydn, tantôt sous un air des Feuilles mortes d’Yves Montand, traitée d’une manière cinématographique, reprend les thèmes chers aux œuvres du cinéaste belge qui cosigne le scénario avec Thomas Gunzig : fuite du temps, amours éphémères, mais aussi une mémoire contenue dans une armoire, des tiroirs et des boîtes, et qu’on ressort en vrac.
Tout a commencé par un amour de dix-huit secondes, par des mains qui se sont frôlées et par une sensation tactile au goût d’éternité. Tout débute en effet par de simples petits doigts qui se touchent. La main de Dieu effleurant le doigt d’Adam dans La Création de Michel-Ange n’a-t-elle pas suffi à créer tout le genre humain ?


Incroyablement petit, mais spectaculairement grand, sous la loupe, voire sous cette caméra qui ondoie tel un corps mouvant parmi les silhouettes des danseurs (Anne Michèle de Mey et Grégory Grosjean) qui s’entrelacent sur scène, ainsi que celle de tous les autres techniciens qui participent à ce ballet corporel et contribuent à donner à cette œuvre une double lecture. Dans un décor miniaturisé (chambres et meubles petit format, jouets Playmobil) évoquant l’univers enfantin, les grands sentiments font contraste. La microcaméra qui arrive à se frayer un chemin pour donner une autre dimension à ce monde soulève des tempêtes et remue des vagues avec de simples draps, ou fait de la pluie ou de la neige avec des petits bouts de tissu ou de coton. Le hors-champ devient focus, les trous de la mémoire de véritables crevasses béantes et le travelling de la caméra perceptible, voire tangible.


À la manière du grand Méliès, Kiss & Cry évoque la magie du cinématographe en rendant également hommage à toutes ces petites mains habiles qui participent à donner vie à l’image tout en donnant corps aux émotions.

Un majeur et un index. Cherchant un autre majeur et un autre index. Qui marchent, trébuchent, glissent et tournoient. Pour s’unir puis croiser d’autres doigts. Deux mains qui évoluent sur scène. Deux mains qui prennent soudain forme pour devenir corps. Toute la sensualité, les amours, la passion du monde contenues dans ce microcosme. Un monde de lilliputiens où les mains humaines...

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