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Culture - Spectacle

De l’arménité sous trame de comédie satirique

Le théâtre Der Melkonian (Bourj Hammoud) affiche une pièce satirique, en langue arménienne, au comique mordant, traitant de l’essence de... l’arménité et qui fait salle comble.

Conflit dans la famille pour l’arménité.

Une pièce parodiant les valeurs bourgeoises de Chirvan Zadé, l’un des plus brillants auteurs, romanciers et dramaturges du pays de Grégoire l’Illuminateur, au temps du joug ottoman... Une comédie hilarante, sur fond de gravité, menée tambour battant et vaillamment défendue par la troupe Vahram Papazian qui a plus d’un demi-siècle de créations. À son actif, des œuvres de Goldoni, Tennessee Williams, Feydeau, Marcel Pagnol, Georges Schéhadé, Neil Simon, Vahé Katcha, Arthur Miller et bien d’autres... Avec, sous les feux de la rampe, pour ce soir-là, une brochette d’acteurs amateurs qui n’ont rien à envier aux professionnels...
Pour cette œuvre tissant des mailles serrées et drôles pour raconter l’histoire d’une famille en prise avec un père mordu de nationalisme, en s’adonnant sans modération à un activisme communautaire, le ton est volontairement boulevardier et vaudevillesque. Pour cet Askin Korzitch (Activiste pour la nation) de Chirvan Zadé, qui a tous les rouages et atouts comiques «molieresques» (pardon, on devrait plutôt peut-être dire «baronianesques», en se référant à Hagop Baronian, auteur arménien du célèbre Honorables mendiants), il s’agit de dénoncer le dévoiement des comités nationaux d’entraide sociale qui flattent les riches pour mieux leur soutirer leur argent tout en riant de leur fatuité derrière le dos... Sans oublier la vanité des donateurs qui, comme Monsieur Jourdain, se gonflent la panse et se montent la tête à chaque fois qu’on leur attribue des «votre éminence», «votre seigneurie», «ya bey», «ya khawaja», «ya bacha»...
Dans un décor assez original, mais sans dépense réelle (signé Annie Bedrossian), de grands panneaux où sont épinglés photos jaunies par le temps, des bouts d’étoffes et de tapisseries, comme une vitrine pour les souvenirs supposés ne pas mourir. Entre ces panneaux à la fois colorés et vieillots, des chaises aux housses satinées, enrubannées et festonnées comme des fauteuils, qui se voudraient cossues. Et au milieu de la scène, une masse de cordages, comme un navire en partance, qui pendouille du plafond.
Dans ce décor bien théâtral, un peu hors du temps et comme jailli de l’imaginaire d’un peintre surréaliste, neuf personnages. Neuf personnages un peu paumés en quête d’une identité, d’une citoyenneté, d’une arménité.
Des personnages curieusement attifés: une mère un peu dondon au chapeau de course hippique de Longchamp; un fils ténor en herbe avec béret, pupitre et costume blanc; un autre, escaladeur de montagne, filet sur l’épaule; une fille saucissonnée dans une robe incongrue aux ourlets relevés; une autre, violoniste boulotte en bustier rose sur collant noir et, pour finir, une soubrette un peu pouponne et bonasse, à la robe rouge fleurie, avec collerette et tablier.
Personnages au délire certain, citoyens mal dans leur peau, famille désunie et unie par (et pour) l’amour de l’argent. Devant un père millionnaire qui risque de céder son argent à des «cellules» nationales sous couvert d’entraide sociale, la résistance s’installe intra muros. Des excentricités et extravagances loufoques des uns et des autres, on passe pour être solidaires et unis (en se faisant passer différemment malade le même jour!) dans un combat sans merci, tout en gesticulation et pitrerie, pour mettre en échec le plan du père. Mais c’était mal connaître le vieux, renard finaud et rusé, plus près de sa mallette (éternelle cassette de l’avare!) qu’on ne le croyait...
Après moult péripéties amusantes, inénarrables et prestement enlevées, sur un ton franchement caricatural, parfois même aux extrêmes d’une commedia dell’ arte, la famille est vertement tancée par le sage de l’assemblée, ce même fils, un peu canard noir de la fratrie, intrigant et manipulateur, mais qui n’oublie jamais ses racines ni son inaliénable arménité.
Excellent tableau final avec ces cordages qui se lâchent et enserrent, tel le mat d’un navire en pleine houle, une famille figée, groupée comme pour une photo souvenir, tandis que l’orateur glose sur cette idée de William Saroyan que toujours, quand deux Arméniens se croisent, partout au monde, ils reconstituent une Arménie.
Avec des reparties vives, une langue arménienne accessible à tous et à l’élocution un peu fortement théâtralisée, des situations cocasses, des personnages brossés avec esprit, des comédiens tous au même diapason pour un jeu sans faille et une mise en scène d’une facture de bon aloi du professeur Yervant Ghazandjian (arrivé d’Erevan), un peu à la manière de l’école russe, voilà non seulement un bon moment de théâtre, mais aussi une belle et édifiante leçon qui tire sur la corde patriotique pour une inaliénable arménité.
Une pièce parodiant les valeurs bourgeoises de Chirvan Zadé, l’un des plus brillants auteurs, romanciers et dramaturges du pays de Grégoire l’Illuminateur, au temps du joug ottoman... Une comédie hilarante, sur fond de gravité, menée tambour battant et vaillamment défendue par la troupe Vahram Papazian qui a plus d’un demi-siècle de créations. À son actif, des œuvres de Goldoni,...

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