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Culture - Exposition

Les photographies témoins du temps, de Houda Kassatly

Aux cimaises de la galerie Alice Mogabgab*, arrêt de regard sur les vestiges d’un temps et d’une architecture qui tendent à disparaître.

Jadis fastueuses, aujourd’hui en ruines...

Une lumière à la Vermeer pour les photographies des demeures intérieures libanaises où la vie est en partance... Houda Kassatly, avec un regard d’ethnologue doublé de philosophe (formation de base universitaire), capte sur son Nikon les images des maisons malmenées par la guerre et qui, aujourd’hui, ne survivent pas à la paix.
Une trentaine de photographies (la plus grande mesure 1m x 65 cm), sous le titre explicite de «Faste et dévastation», tapissent les murs d’un espace voué au témoignage d’un passé (pas si lointain!) qu’on grignote et détruit, un peu impunément, tous les jours un peu plus. Guère polémiste, Houda Kassatly dans cette entreprise, mais tout simplement témoin de son temps et de son environnement.


Avec la fièvre de «l’embetonnement» (qu’on nous passe ce barbarisme) de Beyrouth, il n’y a plus de place à l’histoire et encore moins aux sentiments.


Nul ne peut arrêter ce rouleau compresseur de la construction. Il n’y a rien à faire. Les bulldozers sont à l’action et ces demeures, à l’architecture florentino-vénitienne, détruites en toute férocité, s’en vont en déchets, gravats et poussière.
«Save Beirut Heritage» a beau agiter l’étendard d’un actif militantisme, les monolithes des tours, champignons qui pullulent à une vitesse vertigineuse, n’en touchent pas moins les étoiles et les nuages.


Au gré de ses promenades et de ses pérégrinations citadines, la photographe, toujours aux aguets, a le regard d’une vigilante chasseresse. Une chasseresse qui traque et débusque les triples arcades des fenêtres. Ces arcades, aux courbes magnifiques qui donnent sur quelques arbres décharnés ou encore exubérants, dans toute leur beauté et diversité. Un monde de l’ombre qu’on oublie graduellement, englobant des artisans qui travaillent aussi bien le verre, le bois que le fer. Sans parler de ces laborieuses exécutions des trompe-l’œil d’une grande finesse pour des murs encadrant en toute subtilité et adroit savoir-faire des arcades d’où s’engouffre la lumière.


Mais il y a aussi l’intimité dévoilée. Un fauteuil solitaire, une porte branlante qui ne s’ouvre plus, un pan de rideau écarlate déchiré qui vole au vent, une cage d’escalier où ne jouent plus les enfants, des rampes en fer où plus personne ne s’accoude, une valise rongée de poussière que nul ne transporte, de la vaisselle cassée attendant en vain des tables à dresser, des photos noircies sous un amoncellement d’objets qui ne servent à plus rien... Traces de vie pour des moments tranquilles où ces demeures avaient du lustre, de l’éclat, de la vie!


Pour Houda Kassatly, qui revient parfois dix fois sur les lieux à photographier, pour saisir l’optimum d’effet de la lumière, ce monde au bord de la ruine est comme un dernier regard à ce qui meurt. Elle le fixe, avec poésie, netteté et éloquence, dans toute sa beauté à la fois lumineuse et crépusculaire. Un moment de réflexion, de méditation et de voyage intérieur devant ces photographies à l’impressionnisme captivant qui suscitent nostalgie et émotion.

* L’exposition de Houda Kassatly se prolongera à la galerie Alice Mogabgab jusqu’au 17 mars.

Une lumière à la Vermeer pour les photographies des demeures intérieures libanaises où la vie est en partance... Houda Kassatly, avec un regard d’ethnologue doublé de philosophe (formation de base universitaire), capte sur son Nikon les images des maisons malmenées par la guerre et qui, aujourd’hui, ne survivent pas à la paix.Une trentaine de photographies (la plus grande mesure 1m x...

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