Rechercher
Rechercher

Culture - Cimaises

Sous les spots de Damien Hirst

En préambule aux Jeux olympiques 2012, la capitale British grouille d’événements tous azimuts. Au vaste programme de l’olympiade culturelle, une liste impressionnante d’artistes créateurs du monde entier, dont un festival Shakespeare dans toutes les langues (y compris l’arabe) et une rétrospective Pina Bausch. S’il est encore tôt pour décerner des médailles aux meilleures expositions (David Hockney, Lucian Freud...), gageons que la plus « abrasive et arty » sera sans doute celle de Damien Hirst, qui bénéficie d’une rétrospective à la Tate Modern en avril 2012. En attendant, les galeries Gagosian du monde entier célèbrent les pointillés de ce champion marketing toutes catégories.

Damien Hirst faisant son show devant un Spot Painting.

LONDRES, de Maya GHANDOUR HERT

Pendant un mois – parfois deux – les espaces Gagosian de New York (trois), Londres (deux), Los Angeles, Paris, Rome, Genève, Athènes et Hong Kong (inauguré à cette occasion) vibreront à l’unisson autour des atomes colorés de Damien Hirst.
Sous cette avalanche de pastilles multicolores, l’on aurait tendance à croire que l’artiste British s’est assuré un partenariat avec M&M’s ou Smarties. Mais à voir les titres des toiles de Hirst et consorts (car il est épaulé, pour la production de la majeure partie des œuvres exposées, d’une centaine d’assistants), l’on comprend vite qu’il s’agit plutôt d’une sorte d’hommage ou de clin d’œil à ces pilules chimiques du bonheur dont nos contemporains sont tellement friands. «Cocaine Hydrochloride», «Morphine Sulphate», «Bovine Albumin», «Butulinium Toxin A ». Pas étonnant qu’un lot entier soit placé sous le tag de «substances contrôlées». Pas si innocents qu’on le croit, non plus, ces ronds multicolores apposés d’une manière symétrique sur des toiles petites ou grandes, carrées ou rondes ou rectangulaires.
Overdose donc de pastilles pour les visiteurs des onze galeries Gagosian à travers huit pays et trois continents qui accrochent 331 toiles (dont 220 prêtés par vingt pays)?
Damien Hirst attire les superlatifs comme les clichés. Il est l’artiste contemporain le plus riche de la planète. Il est également celui qui a façonné l’œuvre la plus chère (son fameux crâne incrusté de 8 601 diamants, intitulé For The Love of God). Et, actuellement, ses assistants travaillent sur une toile, la plus grande des Spots Paintings, contenant un million de pastilles colorées et nécessitant neuf années de travail. On l’aura compris, Hirst n’expose pas ses œuvres, il en fait des événements. À une échelle planétaire. Ses œuvres gravitent dans une bulle spéculative qu’il fait entretenir à coups médiatiques superbement bien menés.
Après ses veaux, vaches et autres animaux trempés dans du formol et exposés dans des bocaux, l’artiste avait frappé les esprits à la mi-septembre 2008 en parvenant à vendre chez Sotheby’s plus de 220 œuvres – dont un emblématique Veau d’or – pour un total de 200 millions de dollars, alors que la banque américaine Lehman Brothers venait de faire faillite, entraînant la Bourse dans sa chute.
Selon la société Artprice, qui suit les données du marché de l’art, la côte de Damien Hirst a faibli en 2009 et 2010 et il a été relégué à la 98e place du classement des artistes mondiaux.
Membre du mouvement des «Young British Artists», qui a bouleversé la scène artistique dans les années 1990, Damien Hirst ne cache pas qu’il délègue l’exécution des œuvres. L’autre artiste British star David Hockney lui a tout récemment lancé une pique à ce sujet. Mais bien d’autres artistes ont eu recours ou utilisent encore cette pratique (Andy Warhol, Jeff Koons, Takashi Murakami...).
Interrogé sur sa série des «Spot Paintings», Damien Hirst, provocateur, a déclaré en 2007: «Dès que j’en ai vendu un, j’ai utilisé l’argent pour payer des gens pour faire les autres. Ils le faisaient mieux que moi. Cela m’ennuyait, je suis très impatient.»
Le plasticien, âgé de 46 ans, a commencé à faire ces pois en 1986. «J’en ai peint sans doute cinq», a-t-il précisé récemment au Figaro. «Il n’y en a jamais deux pareils par le seul jeu aléatoire des combinaisons de 1000 couleurs», a-t-il dit.
Il cherchait, depuis un certain nombre d’années, à organiser une rétrospective de ses Spot Paintings, dont le prix varie (aux enchères) entre 100000 et 1,8 million de dollars. Avec l’aide de son ami Larry Gagosian, voilà chose faite.
Sous l’œil goguenard des bodyguards, on circule sur les murs d’un blanc aveuglant de la galerie Gagosian, rue Britannia. Ce motif géométrique unique se répète sur soixante surfaces différentes, toutes blanches. Dans la galerie Gagosian de Davies Street il y en a 48. À Britannia Street, la galerie expose des Spot Paintings à son échelle, immense. Des formats donc démesurés, inédits (triangulaires ou trapézoïdaux), des peintures d’écolier très années 1960 ressemblant à des tableaux de composition chimique. L’idée d’une «carte du pèlerin Damien Hirst», à tamponner dans les 11 expos, y fait fureur depuis le 12 janvier: «Plusieurs centaines de Londoniens ont déjà fait tamponner de bleu turquoise leur “Official Registration Card” et se précipitent au 17-19, Davies Street pour récolter un deuxième tampon», nous confirme-t-on sur place. Ceux qui auront été partout, de Londres à New York en passant par Hong Kong et Paris, gagneront une œuvre sur papier numéroté.
Si Damien Hirst n’a pas inventé la pilule du bonheur, cet esprit aussi diabolique qu’inventif a, en tout cas, ajouté de nouveaux chapitres au manuel du «Art Business». Il est devenu, du coup, une marque de fabrique en bonne et due forme.
LONDRES, de Maya GHANDOUR HERT Pendant un mois – parfois deux – les espaces Gagosian de New York (trois), Londres (deux), Los Angeles, Paris, Rome, Genève, Athènes et Hong Kong (inauguré à cette occasion) vibreront à l’unisson autour des atomes colorés de Damien Hirst. Sous cette avalanche de pastilles multicolores, l’on aurait tendance à croire que l’artiste British s’est...

commentaires (0)

Commentaires (0)

Retour en haut