« La crise est toujours là », constate Olivier Pastré, membre du Cercle des économistes qui organise chaque année ces débats à Aix-en-Provence, dans le sud-est de la France.
« On n’a pas fait toutes les réformes nécessaires pour esquisser une reprise, donc les mêmes causes produisent les mêmes effets », explique à l’AFP ce professeur d’université.
Selon son collègue Anton Brender, « il est clair depuis mi-2012 que la reprise mondiale est menacée ».
Alors, rebond ou rechute ? Depuis le début de la crise, la question taraude les experts. « Le problème, c’est qu’on passe sans cesse d’une période de suroptimisme à une période de surpessimisme, aussi infondées les unes que les autres », déplore Olivier Pastré.
Au fil des mois, les prévisions du Fonds monétaire international (FMI) jouent ainsi au yo-yo, révisées tour à tour à la hausse puis à la baisse.
La prochaine livraison sera mauvaise, a prévenu vendredi Christine Lagarde. La directrice générale du FMI a reconnu que les perspectives étaient « devenues plus inquiétantes » et parle à nouveau d’une « crise mondiale ».
Selon elle, investissement, emploi et production « se sont détériorés », « et pas seulement en Europe ou aux États-Unis, mais aussi dans de nombreux pays émergents clés : Brésil, Chine, Inde ».
La zone euro reste certes au cœur des inquiétudes.
« En renforçant les incertitudes, tout en déprimant la demande dans une grande partie de l’économie mondiale, la crise de l’euro ralentit dangereusement la croissance aux États-Unis et dans les pays émergents », relève Anton Brender.
Pour lui, cette situation est « particulièrement inquiétante » car « si le moteur américain devait caler, il serait très difficile à redémarrer », en raison notamment du déficit public des États-Unis. Le spectre planerait alors d’un passage de la « grande récession » à une nouvelle « grande dépression ».
La solution, à ses yeux : un ralentissement de l’effort de désendettement des gouvernements européens, qui tue toute reprise dans l’œuf.
Les économistes présents à Aix sont toutefois partagés sur l’avenir de la zone euro.
« Plutôt optimiste », Olivier Pastré remarque « que l’Union européenne n’a jamais autant avancé que pendant cette crise ». Et Christian Stoffaës assure que « les marchés financiers ont dû constater qu’ils avaient sous-estimé l’attachement à l’euro » de la part des Européens.
Éternelle Cassandre, Nouriel Roubini juge pour sa part que les efforts réalisés par la zone euro « ne suffisent pas ». Si elle ne se dote pas d’un « bazooka » financier contre la spéculation, met-il en garde, « dans les prochaines semaines, plutôt que dans les prochains mois, l’Italie et l’Espagne vont perdre leur accès aux marchés » pour cause de flambée de leur coût d’emprunt, ce qui risque de faire dégénérer la situation.
Mais l’économie vacille aussi hors d’Europe.
Le FMI a ainsi souligné que la reprise américaine demeurait « apathique et soumise à des risques élevés », liés aux tensions financières dans la zone euro mais aussi aux écueils budgétaires aux États-Unis.
Quant à la Chine, la deuxième baisse de taux d’intérêt en un mois annoncée cette semaine laisse craindre un ralentissement plus marqué que prévu. La pause de croissance des puissances émergentes « est à la fois conjoncturelle et structurelle », affirme Olivier Pastré, car « il est plus facile de sortir de l’absolue pauvreté que de franchir le palier actuel en constituant une classe moyenne et une économie solide ».
Selon lui, « la zone euro n’est pas le seul poids mort de l’économie mondiale ». « Ce n’est pas un scoop pour nous, économistes, glisse-t-il, mais c’est bien que cela apparaisse enfin. »
(Source : AFP)
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