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Culture - Rencontre

Marie Hanna el-Khoury, ou la lumière de l’aquarelle pour sauver la vie

Trente-huit aquarelles à la galerie Exode racontent, dans leur transparence, les paysages du Liban rural et profond. La signataire de ces images frémissantes de vie est Marie Hanna el-Khoury, une rescapée d’un carnage au Chouf en 1983, toujours handicapée.

Les ouvriers devant un « karaké » en cuivre pour distiller l’arak...

Assise dans une chaise roulante, les mains déformées, Marie Hanna el-Khoury, originaire du village de Biré, a le regard certes brillant, entre ses toiles qui la cadrent dans un petit espace clair d’Achrafieh, mais néanmoins son état de fatigue et son combat pour la vie, au quotidien, sont parfaitement visibles.
« J’avais 18 ans lorsque l’incident a eu lieu, dit-elle. Je rêvais à cette époque d’entreprendre des études d’ingénieur car j’étais bonne en mathématiques... Et brusquement tout a basculé. Trente personnes sont mortes autour de moi en cette sombre période et j’étais considérée comme morte. Mais Dieu soit loué, le sort en a décidé autrement. Je suis la seule survivante de ce jour noir. J’ai appris à réaccepter la vie et à me reconstruire. Je devais trouver ma voie. Une fois de plus, je remercie Dieu pour le don qu’il m’a donné. Celui de dessiner et peindre. Dès lors, j’ai suivi des cours avec Tony Khadra et mes premiers travaux n’étaient que pointillistes, car j’avais de la difficulté à maîtriser la mollesse de ma main... Par la suite, je me suis inscrite à l’académie Michel-Ange et c’est père Kerbage qui m’a encouragée à exposer à Beit-Chabab. Il m’avait dit : “Si ces mains ont fait cela, elles peuvent encore faire mieux.” J’y ai cru et j’ai travaillé dur. Et me voilà à ma seconde exposition individuelle... »
Regard circulaire et ronde parmi ces lumineux et frais instantanés du pays du Cèdre. Des aquarelles fluides, aux couleurs tendres, vives et douces. Des plus petites (44 x 37 cm) aux plus grandes (71 x 60 cm), elles chantent, avec une certaine volubilité et naïveté, le parfum de la nature libanaise, la gloire des coteaux verdoyants, le charme des balustrades des balcons en fer forgé assaillis par une légion de pots fleuris, les rues piétonnes désertes dans des villages perdus, une touffe exubérante d’hortensias, les palmes d’un palmier offert au soleil...
Mais il y a aussi un vieillard sous une tonnelle, un couple d’agriculteurs, femme au labour et homme à « keffié » auscultant le verger, avec un âne aux oreilles dressées par la fatigue qu’on lui impose à tracer les sillons d’une terre à retourner, une paysanne au « mandil » faisant sa prière avec un chapelet à l’ombre d’un arbre, un chasseur à la cartouchière et au fusil exhibés, torse bombé, avec la fierté d’Antar ou d’Artaban...
Des cascades aux eaux cristallines aux jeunes filles à la fontaine, en passant par le potier moulant son argile, les ouvriers devant un « karaké » en cuivre pour distiller l’arak, le chant du labeur et la communion avec la terre sont chez Marie Hanna el-Khoury des thèmes constants et vibrants. Tracés et reproduits avec une certaine exaltation, mais non sans une application
perceptible.
Pour tous ceux qui aiment le monde lumineux de l’aquarelle – des horizons azurés de Michel Rouhana aux frondaisons d’Antoine Mattar, en passant par Fouad Jawbar, Dagmar Hodgkinson, Atef Tohmé et Rached Bohsali –, Marie Hanna el-Khoury s’inscrit dans la même lignée de ces fins poètes libanais. Au lyrisme attachant, du trait et de la couleur. Pour ces amants de la nature libanaise, le pinceau et les dérapages des touches d’eau et de couleur sont cernés et domptés pour fixer, dans une image vaporeuse, en teintes souvent impressionnistes, toutes les facettes et les nuances de l’environnement.
Avant de quitter cette nonchalante flânerie des divers sites d’une rive méditerranéenne, derniers propos avec l’artiste qui, tout sourire et inébranlable boule de foi, ne quitte pas son siège roulant avant de remonter au centre de Beit-Chabab où elle réside : « Oui bien sûr, dit-elle, la peinture c’est une joie... Elle me permet de remplir mon temps et de me projeter dans la société. Mon souhait ? Que je puisse toujours peindre et exposer... »
On souhaite, pinceaux à la main, pour ce combat pour la vie, dans la providence de Dieu, bon vent à ses tubes de couleur, à la flaque d’eau sur le chevalet, à sa mallette d’aquarelliste et à son inspiration.
Assise dans une chaise roulante, les mains déformées, Marie Hanna el-Khoury, originaire du village de Biré, a le regard certes brillant, entre ses toiles qui la cadrent dans un petit espace clair d’Achrafieh, mais néanmoins son état de fatigue et son combat pour la vie, au quotidien, sont parfaitement visibles.« J’avais 18 ans lorsque l’incident a eu lieu, dit-elle. Je rêvais à...

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