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Liban - Société

La procréation médicalement assistée : quand la médecine veut mieux faire que la nature...

La valeur de l’enfant demeure fondamentale dans nos sociétés et la stérilité reste un mal répandu. Nombreux sont ceux qui semblent prêts à tout pour avoir un bébé, indifférents à toute exigence éthique et n’hésitant pas à faire preuve d’acharnement procréatif.

De nos jours, le progrès de la biologie de la reproduction met en œuvre des méthodes d’assistance médicale à la procréation de plus en plus performantes, et les couples bénéficient de techniques nettement plus efficaces. Quoi de plus légitime que ce désir d’avoir un enfant et comment ne pas comprendre qu’un couple veuille employer tous les moyens mis à sa disposition pour satisfaire ce désir ?
L’incapacité d’enfanter est subie comme une blessure profonde, vécue comme un échec personnel, ressentie avec une intensité telle que certains couples se tournent vers des solutions extrêmes. D’un côté, l’envie d’avoir moins d’enfants semble croître, de l’autre le recours à la procréation médicalement assistée (PMA) ne cesse de se développer. L’évolution des techniques de lutte contre la stérilité continue de plus belle, insensible aux débats et craintes qu’elle suscite sous la pression d’une exigence de filiation biologique. Les nouvelles méthodes se multiplient, d’autres sont sur le point de voir le jour.
Cette assistance peut prendre diverses formes, de la simple stimulation ovarienne à la gestation pour autrui, en passant par l’insémination artificielle et la fécondation in vitro (FIV).

 


Les techniques pratiquées
Les problèmes de fertilité peuvent être du côté de l’homme ou de la femme. Selon les difficultés, différentes techniques médicales peuvent être utilisées pour favoriser la « création ». L’insémination artificielle in vivo consiste à injecter à l’aide d’une pipette les spermatozoïdes recueillis après masturbation directement dans l’utérus le jour de l’ovulation. Dans les cas de stérilité masculine importante, l’insémination peut se faire avec le sperme d’un donneur. Quant à la fécondation in vitro, elle va permettre de mettre en présence, hors de l’utérus, dans un tube, des ovules et des spermatozoïdes. Cette technique permettra de surveiller de plus près la fécondation. La femme subit un traitement hormonal préalable qui favorisera la maturation de plusieurs ovules en même temps. En général, on en utilise trois à quatre afin d’augmenter les chances que l’un d’eux aboutisse à une grossesse.
Autre technique récemment mise au point : la fécondation par micro-injection. Elle ressemble à la FIV, sauf que cette fois on injecte directement à l’aide d’une micropipette le spermatozoïde dans l’ovule. On est sûr ainsi qu’il y a fécondation.

 


Difficulté de concilier science et éthique
Ces différentes techniques soulèvent de vrais problèmes éthiques. Il est nécessaire de les aborder avec une conscience ouverte. Dans la plupart des cas, l’acte sexuel, qui est considéré comme un moyen naturel de la conception, est remplacé par « des moyens artificiels ». Ce qui met en cause la signification et la valeur de la procréation, l’union des corps source de vie, dévalorisant le sens humain et relationnel de la sexualité. La relation conjugale est procréatrice, non créatrice... De ce fait, qu’en est-il de la « procréation-don » ? Peut-elle devenir un acte de volonté, « un dû », matérialisé dans les techniques ? Peut-on revendiquer le « droit à l’enfant » ? Cela traduirait, même inconsciemment, une volonté de puissance et de possession, qui va à l’encontre de l’égalité des personnes.
Un droit véritable et strict à l’enfant serait contraire à sa dignité et à sa nature. L’enfant n’est pas un dû, et ne peut être considéré comme objet de propriété... Par ailleurs, en intervenant sur la biographie d’une personne avant qu’elle soit mise au monde, on limiterait sa liberté et son autonomie. La prédétermination des traits, du sexe... emprisonnerait la personne dans les limites de la volonté d’autrui. Et que deviendront les enfants conçus de la sorte ? Le simple fait de les suivre sous prétexte que leur naissance n’est pas semblable aux autres ne pourrait-il pas les stigmatiser et créer des troubles psychologiques ? De plus, le premier
bébé-éprouvette date de 1980. Y a-t-il suffisamment de recul ?
Que penser dès lors du risque de mettre au monde des nouveau-nés affligés de malformations ou de désordres mentaux ?

 


Le sort des embryons surnuméraires
Les embryons conçus lors d’une fécondation in vitro sont une question éthique en soi qui fait couler beaucoup d’encre. L’existence des embryons surnuméraires s’explique par la technique de la fécondation, à caractère aléatoire. Parmi les fécondations réussies, deux à trois embryons sont généralement choisis pour se développer et donner un enfant, après analyse des caractères génétiques. Les autres embryons peuvent être congelés, faire l’objet de recherche sur les cellules souches, ou simplement détruits.
Face à ces « solutions », qu’en est-il des droits de l’homme et de la dignité de l’être humain ?
Y compris d’abord celle de ces petits, les plus fragiles, que sont les embryons ? Le droit à la vie peut-il dépendre d’un simple tri ? Chaque embryon doit être considéré comme une personne humaine dans le respect de sa dignité. On doit à partir du premier moment de la conception reconnaître à l’enfant qui doit naître les droits fondamentaux, notamment celui de la vie, qui ne peut être violé en aucun cas. Or la réduction embryonnaire qui consiste dans l’élimination directe et volontaire d’un être humain innocent constitue un avortement sélectif et un grave désordre moral...

 


De la FIV à l’acharnement procréatif
Ce sujet ouvre large le débat. Si certains se réjouissent de voir reculer les problèmes d’infertilité des couples, d’autres s’inquiètent de l’aveuglement qui conduit certains patients à un véritable acharnement procréatif. Les techniques d’assistance médicale à la procréation ont pour but en principe de « remédier à la stérilité du couple ». Or aujourd’hui, c’est le désir des adultes (d’avoir un enfant) qu’on sacralise, en oubliant l’intérêt de l’enfant, les risques qui pèsent sur lui, tant sur le plan médical que psychologique. D’où la nécessité de se demander s’il faut continuer à satisfaire tous les souhaits de parentalité alors même que les techniques employées font courir des risques aux enfants.

 


La position des religions monothéistes
La religion musulmane autorise-t-elle les techniques modernes d’assistance médicale à la procréation ? Un couple musulman peut-il, en cas d’infertilité, avoir recours à l’insémination artificielle ?
« Contrairement à l’Église catholique, l’islam favorise le recours aux techniques de la PMA, d’autant plus qu’il interdit l’adoption, explique cheikh Mohammad Nokkari. On encourage un couple à prendre soin d’un enfant dans un orphelinat et à participer aux frais de son éducation, mais il ne peut pas lui donner son nom, souligne-t-il. Toutefois, l’éthique musulmane ne permet pas le recours aux techniques de PMA avec des cellules autres que celles des conjoints eux-mêmes. Elle n’autorise pas l’interférence d’une troisième personne dans la vie sexuelle du couple. Il n’y a donc pas possibilité d’avoir recours au don de sperme ou d’ovules, indépendamment de l’anonymat du donneur. En fait, l’islam met l’emphase sur la protection de la filiation biologique. C’est pourquoi, par exemple, il a institué le délai que doit attendre la femme divorcée avant de se remarier, afin d’éviter toute situation nébuleuse... »
Concernant les embryons, l’islam considère que le fœtus ne reçoit l’esprit divin qu’à partir du 120e jour de la gestation (4 mois de grossesse). « L’intervention artificielle sur les embryons est donc permise avant cette date », précise cheikh Nokkari. Et de poursuivre : « En ce qui concerne les embryons surnuméraires, il est conseillé de fertiliser uniquement les œufs nécessaires. Les œufs surnuméraires restent toutefois la propriété du couple tant que le contrat de mariage est valide. Les conjoints peuvent alors décider d’un commun accord de les détruire ou de les céder à la recherche, à finalité thérapeutique. Toutefois, on ne peut supprimer un embryon qui s’est correctement implanté dans l’utérus de la femme, selon la religion musulmane, car ce geste s’apparenterait à l’avortement. Dans les cas exceptionnels où la grossesse multiple représenterait un risque mortel pour la mère ou un danger de viabilité pour le futur enfant, la réduction embryonnaire pourrait être envisagée. »

 


L’Église catholique tire la sonnette d’alarme
« En professant un Dieu créateur, la foi chrétienne met d’emblée le croyant devant la vie, don gratuit de Dieu. Nul ne peut s’arroger le droit de la donner ou de l’enlever. Dans ce sens, elle est inviolable et sacrée... » déclare père Edgar Heybi el-Haiby, docteur en éthique théologique et directeur de l’Institut supérieur des sciences religieuses (ISSR) de l’Université Saint-Joseph. « Ainsi, l’intervention de l’Église catholique en matière de vie ne se contente pas d’une attitude de régulation, mais elle invite inlassablement à un dialogue bioéthique pour ce qui pourrait être légitimement humain. Dans les cas de PMA, et spécifiquement la FIV, l’Église condamne toute démarche qui minimise le caractère sacré de la vie de chaque embryon surnuméraire, qu’il soit utilisé pour la recherche, congelé ou détruit. En plus du caractère illicite des PMA, dû à une sorte d’avortement provoqué des embryons surnuméraires, le magistère considère que ces techniques ont un défaut moral, celui de dissocier entre les deux significations de l’acte conjugal, l’union et la procréation. L’Église estime que les moyens artificiels de la fécondation, l’insémination artificielle ainsi que la FIV exposent la dignité de la personne humaine naissante ainsi que l’amour conjugal à l’aliénation. »


Cependant, poursuit le père Heybi el-Haiby, « il faut préciser que l’Église distingue entre, d’une part, l’insémination artificielle in vivo et la FIV, et d’autre part entre la procréation assistée homologue (dans le couple) et hétérologue (avec donneur de gamètes...). Si l’Église tolère l’insémination artificielle homologue (avec les gamètes du conjoint) ainsi que la FIV homologue sans embryons surnuméraires, elle s’oppose par contre à toute insémination artificielle ou FIV hétérologue, avec embryons surnuméraires ».


Et père Heybi el-Haiby d’adresser un appel à la communauté médicale : « L’enjeu de la médecine en général, et des PMA plus particulièrement, est de rester “un art” tout en intégrant le fait d’être une science et une technique, de demeurer au service d’individus éprouvés qui subissent chacun sa propre peine, tout en tirant un profit thérapeutique des dernières avancées scientifiques et techniques. Toutefois, en traitant le problème de la stérilité, les PMA risqueraient “d’objectifier” les personnes concernées, de les utiliser comme un instrument de progrès, comme un chiffre de réussite ou d’échec... en oubliant leur histoire personnelle, leur vraie douleur (tant physique que morale). La médecine intervient pour soulager l’endurance de sujets affectés par un dysfonctionnement organique... Faut-il rappeler que bien qu’elle travaille directement sur le corps-objet, il est primordial qu’elle vise tout autant le corps-sujet, l’être humain dans sa globalité, dans sa souffrance et son manque d’autonomie ? »

 


Bien que la stérilité représente « une dure épreuve », il est possible d’assurer peu à peu l’absence d’enfants par une vie sociale pleine de sens et de fécondité relationnelle. C’est en ces termes que feu le pape Jean-Paul II avait sensibilisé les couples souffrant d’infertilité. Il affirmait que « même quand la procréation n’est pas possible, la vie conjugale ne perd pas pour autant sa valeur. La stérilité physique peut être l’occasion pour les époux de rendre d’autres services importants à la vie des personnes humaines, comme par exemple l’adoption, l’aide à d’autres familles, ainsi qu’aux enfants pauvres ou handicapés... ».

 

 

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commentaires (3)

EH OUI, QUAND LA "MÉDECINE" DEVIENT ENFIN UN GRAND PAS EN AVANT POUR L’HUMANITÉ....

ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

11 h 02, le 05 août 2013

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Commentaires (3)

  • EH OUI, QUAND LA "MÉDECINE" DEVIENT ENFIN UN GRAND PAS EN AVANT POUR L’HUMANITÉ....

    ANTOINE-SERGE KARAMAOUN

    11 h 02, le 05 août 2013

  • QUAND L'HOMME POURRAIT CRÉER UNE ABEILLE, VOIRE UNE MOUCHE, OU UN VER DE TERRE... IL POURRAIT PRÉTENDRE, NON SE COMPARER, COMMENCER À COMPRENDRE UN TOUT PETIT PEU LA NATURE...

    SAKR LOUBNAN

    09 h 14, le 05 août 2013

  • Pire encore ,on peut et on commande aujourd'hui des bébés avec caractéristiques sur "catalogue", et si le produit n'est pas bon, on le fait "sauter", selon ce langage auquel nous ont habituées ces femmes qui se réclament d'un "féminisme" extrémiste et agressif...le pognon et les scientistes ont de beaux jours devant eux. On n' a encore rien vu. Le pire est à venir de ce point de vue. Savez vous qu'en France, des parents ont refusé de déclarer un "sexe" à leur bébé au motif que son devenir de genre était à venir? Ahurissant,non? les gens sont entrain de devenir complètement timbrés.

    GEDEON Christian

    04 h 50, le 05 août 2013

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