Le grand saut dans le vide est-il pour bientôt ? À une dizaine de jours du 15 mai, date à laquelle la Chambre est convoquée pour voter une nouvelle loi électorale, et sauf miracle, l’espoir d’une entente à ce sujet est pratiquement perdu, estiment les analystes politiques.
La date du 15 mai est celle du dernier délai légal pour qu’au nom de la Constitution et du bon fonctionnement des institutions démocratiques, des élections législatives soient organisées et une nouvelle Chambre de représentants élue, avant l’expiration du mandat de la Chambre actuelle (20 juin).
Nombre de députés en ont pris leur parti, sans le dire, et ce que beaucoup pensent tout bas, Amine Gemayel l’a dit – en substance – tout haut hier soir sur la LBC : la prorogation du mandat de la Chambre est un fait acquis, ou disons très probable, quels que soient les développements qui pourraient intervenir d’ici au 20 juin.
Le leader des Kataëb avance ses prévisions, même s’il estime qu’un accord sur une loi électorale combinant scrutins majoritaire et proportionnel est « encore possible ». Il assure qu’en pareil cas, compte tenu des difficultés administratives ( doublement du nombre des urnes), des congés et fêtes, du facteur climatique ( un scrutin électoral n’est pas envisageable en plein hiver) et d’autres aléas, il ne sera pas possible d’organiser les élections, sur la base de la nouvelle loi électorale (hypothétique), qu’au printemps prochain. De sorte qu’il reviendra à la Chambre actuelle, qui aura prorogé son mandat d’un an au moins, d’élire le prochain président de la République, sachant que le mandat de ce dernier expire le 21 mai 2014 et que l’élection de son successeur doit être assurée, normalement, deux mois auparavant (20 mars).
En somme, a dit M. Gemayel, il ne s’agit plus de parler d’un nouveau gouvernement, voire d’une nouvelle Chambre, mais seulement d’un nouveau chef de l’État, sachant que l’on est à 11 mois de la date prévue pour son élection. Jolie fuite en avant !
Facteur d’incertitude
Il existe cependant, pour le bon déroulement de ce scénario, un facteur d’incertitude. Si le 15 mai une nouvelle loi électorale n’est pas votée, c’est la loi de 1960, en vigueur aujourd’hui, qui aura cours. Et les délais de dépôt des candidatures à des législatives organisées en vertu de cette loi recommenceront ou continueront de courir (jusqu’au 19 ou jusqu’au 24 mai, la question est débattue), selon qu’en aura jugé le Conseil constitutionnel, étant entendu que des délais constitutionnels ne peuvent être suspendus que par une loi constitutionnelle et non une loi normale. Et dans ce cas, que va-t-on faire de la centaine et quelques candidats qui ont fait acte de candidature sur cette base, notamment de celles des députés du bloc Walid Joumblatt ? D’autres blocs ne seront-ils pas tentés de se lancer dans la course, malgré les imperfections flagrantes de la loi de 1960 sur le plan de la représentativité ? Le président Gemayel, pour sa part, a laissé planer le doute hier sur la question. Son parti pourrait donc décider d’avancer des candidatures sur base de la loi de 1960. En tout état de cause, c’est l’un des scénarios possibles de ce qui pourrait se passer dans les prochaines semaines.
Deuxième scénario
Un second scénario possible, c’est qu’à la surprise générale, le président de la Chambre soumette au vote, le 15 mai, la fameuse loi électorale hétérodoxe en vertu de laquelle chaque communauté élit ses députés. Et que cette loi, rendue possible par la perte totale du sens de la nation, soit votée par la Chambre.
Le facteur d’incertitude, dans ce scénario secondaire, vient du président Michel Sleiman, qui juge anticonstitutionnelle une telle loi, car allant à l’encontre du vivre-ensemble qui fonde le lien social.
Le président Gemayel, pour sa part, estime improbable que le président de la Chambre soumette au vote un projet de loi contesté par le courant du Futur, c’est-à-dire par une très large majorité des députés sunnites.
Pour trancher le débat par le haut, les députés du Futur ont réitéré hier devant Michel Sleiman et Nabih Berry une offre que Saad Hariri avait faite il y a quelques semaines, un package deal prévoyant l’élection concomitante d’une Chambre et d’un Sénat, avec maintien de la parité islamo-chrétienne au niveau de la Chambre, contrairement aux dispositions de l’accord de Taëf. Mais cette offre généreuse et sans précédent, en l’état actuel des choses, doit être classée au rang des chimères.
Priorité à la loi électorale
Compte tenu de toutes ces données contradictroires, quel espoir peut-on nourrir de voir Tammam Salam former un nouveau gouvernement ?
Le président du Conseil désigné continue en effet de se heurter à des obstacles impossibles à surmonter, qui viennent de données internes confuses évoquées plus haut comme d’un horizon régional et international marqué par un durcissement des positions, comme le montre la prise de position récente du Hezbollah sur la Syrie.
Sur le plan interne, en l’absence d’une loi électorale, il n’y a pas d’accord possible sur la tâche du gouvernement Salam. Ce dernier, s’il voit le jour, serait donc, tout au plus, un autre gouvernement d’expédition des affaires courantes, et dans ce cas, pourquoi ne pas garder le présent ? Sur ce plan, les choses ne pourraient vraiment bouger que si une nouvelle loi électorale voit le jour.
C’est donc sur cette loi qu’il faut fixer son regard et non sur les conciliabules qui pourraient se tenir à Mousseitbé ou à Baabda, où MM. Sleiman et Salam ont fait le point hier, à la veille d’une halte de quelques jours réservée aux Pâques orthodoxes.
Brio
Relevons pour finir que si le gouvernement démissionnaire expédie les affaires courantes, l’un de ses ministres, en l’occurrence Marwan Charbel (Intérieur), les a expédiées hier avec brio, par un coup d’éclat et la promesse d’un autre. Et il n’est pas déplacé de saluer ce travail, malgré l’actualité interne plutôt morose.
Le coup d’éclat en question, dont le mérite véritable revient aux renseignements des FSI, et qui rejaillit seulement sur M. Charbel, c’est l’arrestation, après deux ans de traque, du dangereux mercenaire responsable de l’enlèvement des sept Estoniens, en mai 2011. La promesse, elle, porte sur le possible épilogue de l’affaire des « pèlerins chiites » enlevés en Syrie (mai 2012), sur leur chemin de retour d’un voyage qui les avait conduits en Iran. Des otages, quoi qu’on en dise, et quelle que soit leur appartenance politique, qui ont commis l’erreur de juger encore fiable un réseau routier syrien qui ne l’était déjà plus.
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commentaires (5)
LAISSEZ LES SAUTER;;;ET COUPEZ LA CORDE!Tanekhlass mennon baa!
GEDEON Christian
23 h 53, le 03 mai 2013